Les médecines d’Asie : une exposition unique au musée Guimet

Comment les médecines traditionnelles sont-elles représentées à travers l’art asiatique ? C’est tout le sujet de Médecines d’Asie, l’art de l’équilibre, la première exposition consacrée en France aux trois grandes traditions médicales asiatiques : indienne, extrême-orientale et tibétaine. Un parcours immersif entre l’art et le bien-être à travers plus de 300 oeuvres pour la plupart dévoilées pour la première fois. A admirer au Musée Guimet du 17 mai au 18 septembre 2023.

L’ambition de populariser l’art

Pour Yannick Lintz, la présidente du Musée national des arts asiatiques-Guimet, cette nouvelle exposition sur les médecines d’Asie est “la première d’une série d’un nouveau genre” dont l’ambition est d’inaugurer une expérience de l’art inédite, à rebours de la consommation culturelle habituelle. “Nous souhaitons rendre l’art plus populaire et proposer autre chose que la mécanique qui consiste à faire des expos les unes après les autres et à se fatiguer en enchaînant les oeuvres les unes derrière les autres“. L’idée est celle d’une expérience de visite : écouter, ressentir, faire soi-même l’expérimentation sensorielle du sujet de l’art. Ici, sur un terrain déjà très populaire en Occident : les médecines traditionnelles d’Asie, tant sur le plan physique (la maladie et ses traitements), que spirituel (les énergies et leurs représentations) et sacré (le lien entre le monde des vivants et celui des esprits).

Outre les nombreuses peintures, statues, sculptures et documents, l’exposition offre une mise en perspective sensorielle afin que les visiteurs éprouvent le sujet. On peut ainsi observer le Qi (souffle vital chinois) courir dans une salle sous forme de flux énergétique visible, prendre 5 minutes face à un Bouddha japonais en bois doré pour méditer guidés par la voix du moine Matthieu Ricard, ou encore suivre des vidéos du psychiatre et spécialiste de la pleine conscience Christophe André. Une volonté affichée de rendre le plus grand musée d’Europe consacrée aux arts asiatiques accessible à des publics autres que les amateurs d’art.

L’exposition se déroule en plusieurs niveaux de lecture, découpées en quatre parties :

  • L’histoire de ces médecines ayurvédique, extrême orientale et himalayenne et les représentations du corps subtil (ex : dosha, qi, paysage intérieur du corps humain, méridiens, etc.),
  • Les divinités et l’approche technique par le soin (pharmacopée, méditation, moxibustion, acupuncture, yoga, massages), 
  • Les médecines de l’âme (exorcisme, chamanisme, astrologie),
  • Le dialogue Orient/Occident et l’intégration de ces traditions à la médecine allopathique. 

Extraits :

La guérison du corps subtil et médecine préventive. “Commune à l’hindouisme et au bouddhisme, la notion d’identité profonde entre la constitution du corps humain (microcosme) et celle de l’univers (macrocosme) est transcrite dans des oeuvres représentant la physiologie subtile ou cachée de l’homme primordial (purusha). Cercles (chakra) et canaux (nadi) matérialisent le cheminement des énergies et des éléments vitaux dans une anatomie symbolique incluant l’ensemble des êtres peuplant la création”.

Purusha, Népal, daté 1806

L’exorcisme pour guérir les démons extérieurs. “Dans un monde où médecine et religion sont si étroitement liées, les manifestation de la maladie sont aussi perçues comme pouvant résulter de causes extérieures comme l’action d’un démon ou les effets d’un mauvais sort dont le malade aura pu être victime. C’est alors vers l’exorcisme que l’on se tournera, donnant lieu à une production d’objets utilisés lors de cérémonies animées et théâtralisées (…) où pendant une nuit entière l’exorciste dialogue avec les démons des maladies incarnées par des acteurs (pic 2)”.

Yoga, qi gong, tai chi : “la santé se cultive également par des exercices physiques et mentaux auxquels tout un chacun peu se former sous la conduite d’un maître. Ils permettent la maîtrise du flux des énergies corporelles allant jusqu’à conférer au pratiquant des capacités d’autoguérison”.

Painting, Tamil Nadu, Andhra Pradesh
Planche d’astrologie

Méditation : “Les mots sanskrit et tibétain traduits en français par méditation sont respectivement bhavana “qui produit” ; “qui donne le bien-être” ; et sgom pa “cultiver” ; “devenir familier”. Il s’agit principalement de se familiariser avec une vision claire et juste des choses, et de cultiver des qualités que nous possédons tous mais qui demeurent à l’état latent aussi longtemps que nous ne faisons pas l’effort de les développer. Si le but premier est de transformer l’expérience du monde, il s’avère également que sa pratique a des effets bénéfiques sur la santé”.

Amida-nyoral (Amitabha) formant le “sceau de la concentration”, Japon, 19e siècle, Bois doré et peint.

L’oeuvre favorite de la commissaire : l’agonie de d’Inayat Khan

Pour la commissaire de l’exposition Aurélie Samuel, le chef d’oeuvre incontestable est pourtant la représentation d’un déséquilibre puisqu’il s’agit selon elle de “La mort d’Inayat Khan” de Balchand (gouache et or sur papier, Inde, école moghole, vers 1618). Cette peinture de petite taille figure avec précision l’agonie du trésorier-général à la cour de l’empereur Jahângîr (1605-1627, et père de l’empereur Shâh Jahân, célèbre pour avoir fait construire le Taj Mahal à Agra).

Le peintre à la cour moghole Balchand offre ainsi une “représentation très rare et saisissante d’un corps souffrant, avec la restitution de la peau et de la raideur du corps, et où la mort est déjà visible sur son visage“. Une peinture réaliste et harmonieuse d’un homme qui ne laissa pas indifférente en ce qu’elle porte les stigmates d’une vie marquée par l’alcoolisme et l’abus d’opium. La synthèse d’une déchéance qui procure à la fois malaise (pour le mourant) et admiration (pour l’artiste) dans une forme de sublime.

Nous vous laissons retrouver cette oeuvre parmi les 300 présentes au sein de ce parcours.

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