Les mandalas de fleur : une réorganisation symbolique du chaos

Lors du premier confinement je me suis découverte une passion pour la création de mandalas floraux, à base de plantes, de feuilles, de fleurs, de pierres … Puis j’ai photographié leur processus créatif étape par étape avant de les partager sur Instagram. Et je dois dire que l’engouement du « public » pour ce passe temps m’a étonnée (mais je n’ai pas encore testé les « nudes », maybe that’s why …). Etant quelqu’un de « naturellement » créatif, je n’ai pas mis beaucoup de sens derrière cela, jusqu’à ce que l’on me fasse remarquer que la symbolique à l’œuvre derrière, et particulièrement en période de confinement était tout à fait signifiante, notamment sur le plan psychique.

Une façon symbolique de remettre du sens

Le psychiatre suisse Carl Jung utilisait les mandalas pour établir certains diagnostiques psychologiques de ses patients, qu’il interprétait comme des « cartographies » de leur psyché éveillée. Il y aurait donc beaucoup à dire sur la symbolique psychique qui se dessine derrière ces créations. Dans une période de confinement, à la fois hors du monde et pourtant bien plongé en son cœur, l’élaboration de mandalas floraux permet de remettre de la cohérence dans une période désordonnée.

L’action créatrice permet une reprise de contrôle symbolique sur la situation vécue et vient redonner du sens à ce qui nous entoure, dans une période où le sens nous échappe. Ordonner un espace permet de réorganiser symboliquement l’esprit, un peu comme le fait de nettoyer ou de ranger. Il en ressort un sentiment d’apaisement, d’exercice actif de pleine conscience, d’expression du Soi, à remettre de l’harmonie et de la stabilité dans un monde instable.  

Pour Manon Renout, psychologue clinicienne et psychothérapeute au service pédo-psychiatrie de l’APHP, ces mandalas ne sont pas n’importe quelle création : « C’est un type de création particulier qui renvoie à des mécanismes rigides du fonctionnement psychique : le besoin que les choses soient ordonnées, rangées, voire symétriques, du soucis de l’ordre ». On peut donc imaginer que ce type de mandala corresponde bien aux personnes obsessionnelles (coucou !!!!). Mais de nuancer cette surinterprétation :

« Dans un moment aussi chaotique on peut dire que tout le monde aurait besoin d’avoir recours à des défenses plus rigides pour ordonner et reprendre le contrôle ».

Selon elle, la symétrie vient nous rattacher au concret : « Dans la représentation collective, le mandala a une structure bien définie, circulaire, géométrique. Il est donc rassurant de créer à l’intérieur d’un espace connu, avec ses règles, ses lois, son cadre ». La structure du mandala pourrait ici nous renvoyer aussi bien à celle de l’atome qu’à l’univers tout entier, à la fois complexes et parfaitement orchestrés.

Sur le plan spirituel

Les mandalas nous viennent de la sphère religieuse et spirituelle, développés notamment dans l’hindouisme et le bouddhisme. Structures géométriques ultra complexes, ils viennent servir de support pour invoquer des divinités, méditer, contempler, se concentrer et constituent des espaces de purification. Microcosmes de l’univers, ils sont le reflet de la nature divine présente en chacun.e d’entre nouset nous rappellent notre identité commune avec un Grand Tout immanent. Ce, avant d’être volontairement détruits afin de nous suggérer que tout est éphémère, y compris nous-mêmes.

« Le rituel est connu pour être rassurant – ajoute ici Manon – et dans une période mouvante il est intéressant de se ritualiser ». On pourrait penser que le rituel dans le mandala floral à l’heure de la COVID serait de soutenir ce que l’hindouisme nomme le dharma (l’ordre du monde) face à l’adharma, le désordre. Et sortir du cycle infernal chaotique dans lequel nous nous trouvons pour restaurer l’harmonie.


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